Ducati Multistrada 1200 : Premier essai (article moto station)
Dévoilée lors du dernier salon de Milan, la Multistrada 1200 s'est tout de suite faite remarquer avec sa plastique originale. Lors de ces essais presse, nous avons eu tout le loisir de la détailler. C'est évident, elle "upgrade" le concept Multistrada de façon très marquée... Jugez plutôt : la motorisation abandonne le Desmo "à air" pour une évolution du twin liquide de la Superbike 1198. Même dégonflé, il développe encore 150 ch. en version libre ! De quoi justifier le développement de pneus Pirelli Scorpion trail Multistrada spécifiques, homologués pour rouler à... 270 km/h : rapide le trail ! Par ailleurs, la nouvelle "Multi" adopte toute la panoplie high tech du constructeur : cadre treillis acier associé à un soubassement aluminium et différents matériaux pour alléger le tout, freins radiaux Brembo et Ducati Traction Control. Mais l'engin propose aussi un nouveau système de suspensions réglables en roulant, une bulle à hauteur ajustable, des valises latérales, un ABS déconnectable, des poignées chauffantes. Bref, un package pour le moins complet avec en conséquence un coût, soit 18 900 € dans notre version S Touring (gloups !). Ainsi, même si la Ducati reste "philosophiquement" proche de la KTM SMT 990, cette débauche technique rappelle aussi ce que l'on trouve sur la BMW R 1200 GS, actuelle valeur étalon du segment (en attendant de jauger la prochaine Yamaha Super Ténéré).
Un confort inédit chez Ducati
La selle de série, située à 850 mm, me complique la tâche. Assez large, elle m'interdit de poser les pieds à plat au sol. Avec mon mètre soixante neuf (et demi !), je dois me rabattre vers la selle basse (option gratuite) à 825 mm pour poser la partie large du pied à terre. Les formes de la machine sont harmonieuses et la finesse du réservoir est au rendez-vous. Le guidon se montre large, peut-être trop d'ailleurs. Néanmoins, l'ergonomie générale est franchement cohérente et satisfait tous les gabarits ou presque. Un réglage de rétroviseurs, une mise au point des leviers et c'est parti... Enfin presque, car dépourvue de clé de contact, la nouvelle Multistrada dispose d'un transpondeur séparé, à glisser dans le blouson, qui nécessite une petite gymnastique de basculeur-contacteur pour démarrer. La sonorité n'apporte pas grand chose de nouveau, tout au plus retrouve-t-on la vivacité du bloc Superbike et son râle assez typique. Une minute ne suffit pas à détailler toutes les fonctions "iphonesques" du tableau de bord, alors en route. Les commandes sont douces et les premiers mètres mettent en exergue une prise en mains assez aisée et une légèreté remarquable : avec 217 kg tous pleins faits en version Standard (220 kg pour la S), la "Multi" figure parmi les poids plume de la catégorie. Le rayon de braquage record pour une Ducati, la souplesse des commandes (sauf le sélecteur), la facilité de la direction, ces "petites choses" font de la 1200 Multistrada une nouvelle référence en terme de prise en mains pour la marque de Bologne. Rassurez-vous, elle reste une moto virile, cognant sous 2 500 tr/min et vibrant suffisamment au grès de l'ascension des graduations du compte-tours. Arrêt au stop. Personne à droite, personne à gauche, feu !
Presque 200 km/h en 3ème !
Les premières accélérations dévoilent un autre aspect de "l'hyper-trail" Ducati : c'est une fusée ! Sur cette version de 150 chevaux, les motards du monde libre pourront pousser la 3ème à 200 km/h (et grimper à plus de 240 km/h compteur sur le moindre bout droit). Certes, une telle vitesse de pointe n'a guère de sens sur ce type de moto, mais le trail italien avance également un remplissage moteur conséquent. Les reprises, malgré une transmission toujours aussi longue, sont "canons", chaque rotation de la poignée vous propulsant à des vitesses élevées en un rien de temps. Les sensations de conduite ne sont pas en reste. Heureusement serait-on tenté de dire, vu son moteur conçu à l'origine pour remporter le WSBK. Le râle du bloc 1198 à bas régimes laisse place à un grognement rageur au delà de 5 000 tr/min et les montées en régime s'accompagnent d'un punch très sportif. Et les qualités du châssis sont à l'unisson. Le "toucher de route" des suspensions Ohlins approche la perfection en progressivité, et ce malgré des débattements généreux. Ajoutez à cela une selle moelleuse et on n'est pas loin de chevaucher la Ducati la plus confortable de tous les temps ! Le freinage, assuré par l'incontournable Brembo, séduit par ses performances. Toutefois, le déclenchement de l'anti blocage Bosch engendre un léger à-coup dans le levier de frein, phénomène qui a quasi disparu sur les systèmes les plus en pointe (Kawasaki GTR 1400 ou Honda CBR ABS).
Débauche électronique
Les performances, et mêmes les sensations, sont étroitement liées à la sophistication de la moto. En effet, la nouvelle Multistrada concentre les aides à la conduite. Plus que des cartographies d'injection à choisir du bout du pouce, le trail italien permet de configurer moteur et partie cycle selon quatre modes différents : Sport, Touring, Urban, Enduro. En fonction, la puissance du moteur, sa réponse et sa nervosité varient d'autant, mais ce n'est pas tout. Le réglage d'amortissement (en hydraulique et en précontrainte à l'arrière en mode Enduro) possède également une configuration par mode. Enfin, le degré d'assistance du DTC (l'anti patinage) s'adapte lui aussi aux quatre modes prédéfinis. En bref, en mode "Sport", vous disposez de 150 ch. avec une réponse assez féroce à la poignée de gaz électronique (type ride by wire), de suspensions plus freinées en hydraulique et d'un DTC moins opérant, laissant davantage le train avant se délester. En "Urban", la puissance tombe à 100 chevaux, l'hydraulique des suspensions devient très souple et le DTC est très actif, afin de prévenir les glissades sur les passages piétons par exemple. Malheureusement, ce concept de "moto à la carte" est partiellement amputé chez nous. En effet, avec notre satanée loi des 100 chevaux, la Multistrada 1200 doit se contenter de 100 chevaux sur ces quatre modes et seule la réaction à la poignée de gaz sera différente. Le réglage des suspensions et le DTC subsistent, mais la saveur en patît sensiblement...
Bilan : En attendant la Multi "de base"
C'est un fait, les Ducati perdent souvent les comparatifs à cause de leur manque d'homogénéité, ce qui ne constitue d'alleurs pas un réel défaut pour les amateurs du genre, bien au contraire. Mais ce ne sera pas le cas de la nouvelle Multistrada 1200. Facile à prendre en mains, d'un équilibre rare, elle brille par son confort, sa tenue de route, son agilité et son freinage. Son moteur, en version libre, délivre de fantastiques performances et un agrément certain, sans doute apte à satisfaire l'usage quotidien comme les longs parcours ou les écarts sportifs. Mais une fois encore, "notre" version 100 chevaux (avec bridage au boîtier électronique) se trouve diminuée en termes de performances comme en sensations. En outre, il nous tarde de tester la version dénuée de suspensions électroniques, laquelle sera sans doute suffisamment homogène pour assurer son rôle multicarte. Mais, même dans cette version, la facture demeure élevée (14 900 €). Enfin, aussi fantastique soit-elle sur le plan dynamique, la Multistrada 1200 souffre encore de quelques lacunes d'aspects pratiques, comme cette boîte à gant à l'ouverture délicate. Mais de par son caractère, et malgré une homogénéité inédite, elle reste une Ducati avant tout, une moto latine et 100 % passion, à ne sans doute pas comparer de but en blanc aux références actuelles du genre, notamment pour ses prestations en off road... inexistantes.
Par Christophe Le Mao, photos Agence Milagro
+ fabrication et technologie
agrément général
performances
homogénéité
-
manque d'aspects pratiques
complexe
prix, toutes versions confondues
bridage[b][u]